VIETNAM - SAIGON - 13/180/2 RUE TRAN VAN HOANG - JE METTRAI DES POULES SUR VOS TOMBES

Une petite ballade dans le quartier de Tân Bình. Officiellement 400 000 personnes y vivent actuellement. Il y a peu de temps, c'était la campagne, c'était... L’aéroport fait partie du district de Tân Bình. C’est un quartier populaire. Bon, ils sont gentils mais on ne s’y baladerait pas trop la nuit. Chaque chose a ses limites. La maison nous avait été indiquée approximativement par les gardes du Comité Populaire du Quartier 11. Difficile à trouver mais ça vaut le détour. Une petite rue et on aperçoit une grande bâtisse.

Le rez-de-chaussée est encombré, c’est le moins qu’on puisse dire. Les cageots sont là parce qu’en face il y a un gars qui fait céramique et il faut bien emballer les objets; donc il doit louer de la place pour stocker ses cageots. Il n’y a pas que lui ; d’autres personnes stockent des cartons sous les arcades latérales. Il y a des bâches pour protéger de la pluie.

Si on lève les yeux on voit un beau fronton et en dessous un livre et des dragons. Peut-être un érudit ou un mandarin apparenté à la famille impériale, sait-on jamais… Finalement, beaucoup de dragons… Un nom… et un monogramme.

On s’aperçoit que la façade était peinte. De belles colonnes forment un corridor de chaque côté de la maison.

L’arrière dispose d’une sorte de jardin. On voit un escalier central mais il existe une rampe en ruine vers la droite qui mène à une terrasse.

Finalement ce n’est pas un jardin.

Les tombes ont parfois été transformées en poulaillers. Ça sent le système D et la survie. Le tout dégage une impression de déchéance, d’abandon non avoué.. « Si, si, il reste une vieille dame avec quelques personnes mais elle n’est pas aimable et elle ne nous parle pas ; elle le prend de haut… » On se prend à créer des histoires de famille riche possédant une maison à la campagne. Et puis vient l’exil mais il faut que quelqu’un reste pour éviter que la maison ne soit confisquée, quelqu’un qui ne risquera trop rien, une femme par exemple ; il faudrait qu’elle ne soit pas mariée et ne puisse refuser l’offre. Dans les clans il y a toujours une vieille cousine pauvre et laide. C’est dit, elle restera, elle, pendant que nous irons aux U.S.A. Et le temps passe ; les terres autour de la maison sont confisquées et on y bâtit ces étroites maisons typiquement vietnamiennes. Le quartier change de main et de physionomie. Et le temps passe ; des meubles sont vendus pour survivre, on sous-loue de l’espace et pourquoi pas un ou deux poulaillers à l’arrière ? Tiens, sur la tombe du père de l’enfoiré qui m’a abandonnée…Ça soulage. Et elle reste…seule avec ses souvenirs et sa rancœur, sacrifiée pour rien, et personne de la famille ne reviendra jamais car le quartier a changé et qui voudrait mettre des sommes folles dans la rénovation d’une maison que personne ne viendra plus habiter.

Bon, maintenant vous avez l’adresse mais ça ne veut pas dire que vous soyez les bienvenus ; il faudra montrer patte blanche et le jouer fin. Soyez gentils avec la vieille dame.

Additif: ne cherchez plus la maison, elle a été détruite. Il n'y a pas de petits profits...surtout au prix du m2.